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Humeur de Christine Bern
On pourrait penser que l'adoption des chiens de refuge tiendrait du mariage, que ce serait quelque chose de l'ordre de l'irrationnel, bref, disons-le, de l'Amour. Le refuge étant le catalyseur, l'agence matrimoniale en quelque sorte. Il faut bien s'en garder à mon sens : d’une part, ne se marient que des gens qui se connaissent déjà suffisamment pour être tombés amoureux ; d’autre part, l'agence matrimoniale est payée pour la mise en relation qui est le produit qu'elle vend, sa rétribution a lieu bien avant le mariage. Dans l’adoption, le chien et le futur maître ne se connaissent pas et le refuge n'est rétribué, lui, surtout en termes de satisfaction pour ceux qui l'animent, que lorsque le chien est effectivement parti pour de bon. Dans ce contexte, la technique qui me semble la plus appropriée est celle de la vente. Examinons donc, pour imparfait que soit ce modèle, ce que l'équation du bonheur capitaliste un produit + un client = une vente peut apporter à notre cause.
Un produit : même dans un marché très segmenté, les produits sont formatés un minimum, relativement prêts à l'emploi. Ce n'est pas le cas du chien de refuge. Comme toute occasion d'abord il bénéficie d'une moins bonne image que le produit neuf. Un autre désavantage majeur vient du fait que c'est un être vivant à part entière, avec tout ce que cela implique : caractère individuel, psychologie propre issue de son vécu, besoin d'affection variable, besoins physiologiques et génétiques spécifiques, et surtout, pas de boutons sur lesquels appuyer. On se rend donc vite compte que chaque chien à adopter est un cas complexe, unique. C'est l'intérêt du vendeur de bien le connaître au-delà du descriptif sommaire et relativement partial de ses précédents maîtres et de l'équiper des options de base que sont le « assis », le « couché », la marche en laisse et un minimum de sociabilité avec les gens et les autres chiens. On pourra se faire aider à cette fin par un professionnel et on s’assurera ainsi « une première impression positive ».
Un client : la publicité et la notoriété nous amènent le client, à nous de nous occuper de lui quand il se présente. Le client a une motivation d'achat (des besoins, des envies, des attentes), il a des représentations (ses croyances, sa vision de la réalité) et un profil (âge, budget, expériences avec d'autres chiens, maison-jardin ou appartement, style de vie, disponibilité réelle, aspect affectif, enfants dans l'entourage...). On voit ici que chaque client aussi est un cas complexe, unique : on aura donc intérêt à faire une véritable « découverte client » : par un questionnement approfondi avec recoupements et une observation attentive, obtenir le maximum d'informations sur les trois aspects cités. C'est une étape incontournable qui va permettre au vendeur une action ciblée. Dans le cas d'une famille, il faudra identifier le décideur et s'adresser à lui tout en tenant compte des autres personnes. L'exercice n'en sera que plus délicat...
Une vente : notre vendeur qui connaît ses produits (qui a donc des arguments de vente) et qui maintenant sait qui il a en face de lui, va sélectionner, en plus des éventuels « choix des clients » (souvent largement motivés par le physique de l’animal d’ailleurs), les deux ou trois candidats lui semblant le mieux correspondre à ce que lui pense qui marchera. Une relation dépend de tellement de paramètres qu'on n'est jamais sûr qu'elle fonctionnera, mais avec les éléments déjà rassemblés, on réduit l’incertitude. Au final, c'est une « question de feeling », un pari sur l’avenir, la relation étant entièrement à construire. Le client accompagné, mis en situation, observé, décidé, armé des recommandations essentielles (il ne pourra en assimiler plus dans un premier temps, l'expérience permettra de préciser les besoins), sans aucune pression quant à la décision (il peut revenir), sachant qu'il peut avoir un interlocuteur professionnel pour le conseiller et l'épauler au besoin (surtout pour les « coups de cœur » qui appellent des mises en garde), pourra repartir avec son nouveau compagnon.
On l'aura compris, l'art de la vente dans notre cas est un art compliqué, difficile, qui demande des investissements en
amont et en aval car il faut aussi assurer le service après-vente pour gérer les ajustements. C'est bien connu : le
consommateur dans la plupart des cas ne lit que les instructions de mise en marche, rares sont ceux qui lisent le manuel
de l'utilisateur même lorsque celui-ci est fourni avec le produit...
Par ailleurs, le consommateur d'aujourd'hui n'hésite plus à rapporter le produit qui ne lui convient pas ou à jeter celui
qui ne lui convient plus. Sachons-le et mettons toutes les chances de notre côté.