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La chronique de Brigitte Piquet Pellorce, administratrice à la SPA*
Chronique numéro 8 du lundi 26 septembre 2016
Vingt trois ans au coeur de la cellule anti-trafic. (2).
La dog connection, « du trafic des campagnes au trafic en col blanc ». (la suite).
Le code pénal ne prévoyant pas de sanction applicable au trafic d'animaux, vingt personnes furent inculpées, suivant les cas, de vol, recel de vol, exercice illégal de la médecine vétérinaire, actes de cruauté, faux en écriture et usage de faux.
Si cet incroyable réseau, opérant sur tout le territoire, a pu si bien fonctionner pendant des années et enlever à l'affection de leurs maîtres des milliers d'animaux, c'est grâce à la protection d'un haut fonctionnaire du ministère de l'agriculture. C'est par son intermédiaire que les trafiquants ont disposé des adresses des chercheurs puisque c'est lui qui gérait l'autorisation de la pratique de la vivisection. D'ailleurs, au cours du procès, Jean-claude LESSIEUX reconnaissait avoir été un blanchisseur mais affirmait qu'il agissait avec l'accord du docteur vétérinaire Jacques W., directeur du bureau de protection animale. D'après LESSIEUX monsieur W. était son responsable hiérarchique en queque sorte qui, parfaitement au courant des pratiques de vol des chiens, lui avait donné l'autorisation de tatouer les animaux avec un code spécial, à savoir L E 95 suivi de plusieurs chiffres.
« TRAFIC DE CHIENS, LE MINISTERE SAVAIT » titre le parisien du 28 novembre 1991.
Le ministère savait, encourageait et cautionnait en étendant cette facilité de tatouage à d'autres trafiquants, tel Robert CAPELLI, propriétaire d'un chenil construit au milieu de la garrigue dans le département de l'Hérault. Lui, a bénéficié du code 34 C suivi de trois chiffres. Il a également obtenu l'autorisation de détenir dans son chenil mouroir jusqu'à 100 chiens, quota dépassé puisque près de 150 animaux y étaient régulièrement entassés. Il les vendait à LESSIEUX, mais surtout aux laboratoires de Marseille et de Toulouse. Sur des carnets il notait les noms et adresses des acheteurs et le prix du chien … au kilo!
Le procès qui a eu lieu en novembre 1991 à Agen et qui s'est inscrit dans la mémoire collective comme celui de «la dog connection» a bien failli aboutir à la relaxe de tous les prévenus. En effet, dès le premier jour, l'avocat de Jean-claude LESSIEUX soulevait un vice de procédure : lors de la première convocation de son client le juge d'instruction n'avait pas respecté l'article 114 du code pénal en lui posant des questions sans lui avoir signifié qu'il pouvait se faire assister d'un avocat. Grâce à cette faute «bienvenue», l'efficace travail des enquêteurs de la gendarmerie risquait d'être réduit à néant. Au bout de quatre jours d'audience, le tribunal annonçait que le délibéré serait rendu le 29 janvier 1992. Et, ce jour là, le couperet est tombé sur les espoirs de la protection animale : la procédure a été annulée par le tribunal correctionnel d'Agen.
Après cinq ans d'une instruction ô combien approfondie, la cour d'appel confirmait en avril le jugement rendu en première instance. Nous étions atterrés. L'enquête qui avait permis, pour la première fois en France, de démanteler un réseau en révélant les pratiques ignobles des trafiquants ne pouvait tomber à l'eau. Après un moment de grand découragement les associations dont la S.P.A. décidèrent de se pourvoir en cassation et en décembre 1992 elles ont obtenu gain de cause : tous les protagonistes de l'affaire allaient être rejugés à Bordeaux du 22 au 25 juin 1993. A nouveau, nous étions présents.
Paul MONTASTRUC, responsable du département de pharmacologie clinique à l'université de Toulouse-Rangueil avait le privilège de pouvoir déambuler à sa guise dans la salle d'audience alors que tous les autres prévenus étaient assis dans le box réservé aux accusés. Il est vrai que monsieur le professeur, ancien candidat au prix Nobel, n'était pas du même milieu social que la majorité de ses complices et les juges employaient à son égard un ton beaucoup plus conciliant. Un homme qui comparaissait pourtant pour recel de vol et qui achetait son «matériel de laboratoire» à René PRABONNE, un homme qui n'a pas nié les irrégularités dans l'approvisionnement de son animalerie, les paiements en espèces, l'absence fréquente de facture, les bizarreries des certificats de tatouage. Un homme qui plaida la misère de la recherche universitaire (un chien acheté légalement dans un élevage agréé coûte au moins trois fois plus cher) et qui s'est étonné d'être le seul scientifique inculpé alors que d'autres confrères s'adressaient aux mêmes fournisseurs.
« où sont mes confrères des autres laboratoires et des industries pharmaceutiques, pourtant tous clients de PRABONNE? Où sont les représentants des services vétérinaires qui m'ont indiqué son chenil? ».
Et surtout un homme qui s'est présenté comme un bienfaiteur de l'humanité et qui, des trémolos dans la voix, a juré qu'il était innocent. Pourtant nous possédions le témoignage d'une de ses anciennes étudiantes qui déclarait avoir été invitée à founir des chiens et des chats contre rénumération (50 francs soit 7,62 euros par chien, 30 francs, 4,57 euros par chat) au service du professeur MONTASTRUC dans les années 1963 à 1965.
Le verdict fut rendu le 14 octobre 1993. «Simple amende pour le professeur MONTASTRUC» ont titré les journaux de l'époque. En effet, 5000 francs (762 euros) pour des centaines d'animaux torturés n'est pas cher payé mais ce procès n'était pas celui de l'expérimentation animale mais celui du trafic de chiens et l'éminent professeur a été condamné pour recel de vol. L'énoncé du verdict a laissé un goût d'amertume aux associations de protection animale d'autant qu'aucune d'entre elles n'a été reçue dans sa constitution de partie civile malgré les mauvais traitements envers les animaux qui furent sanctionnés. Les amendes infligées, particulièrement légères, nous apparurent comme un encouragement à la récidive. Des sommes allant de 1000 à 30000 francs pouvaient-elles dissuader ces marchands de vie qui vendaient, pour certains, plus de 1500 animaux par an. Pourtant tous les éléments étaient rassemblés pour obtenir justice : des propriétaires d'animaux volés qui, pour la première fois, étaient entendus, les médias mobilisés par la nouveauté de l'affaire, des gendarmes très motivés qui ont, par conséquent, fait un excellent travail, un juge d'instruction déterminé à faire la lumière sur ce trafic malgré les «avertissements» qu'il recevait. Cette lettre anonyme par exemple qui se termine ainsi :
«bonne chance!!après ça, changer de nom, de profession et de pays».
Si ce jugement a semblé purement symbolique pour beaucoup, il a eu le mérite toutefois de sortir le trafic de chiens de l'ombre et, timidement certes, de le sanctionner.
Ainsi, la cellule anti trafic est née et très vite est devenue le service phare de la S.P.A. Par son implication, mais surtout par l'intérêt que lui ont porté les médias, très peu concernés, hélas, par les animaux en attente d'une autre vie dans les refuges.
Brigitte PIQUETPELLORCE*
* Tête de liste de l’équipe Action Animaux aux élections de « la SPA », Brigitte Piquet-Pellorce, ancienne responsable de la Cellule Anti-Trafic de la SPA pendant 22 ans est devenue administratrice de la Société Protectrice des Animaux le 25 juin 2016. Malgré la présence très minoritaire de son équipe au sein du conseil d’administration de la SPA (2 administrateurs sur 9) elle souhaite lutter contre TOUTES les maltraitances exercées à l’encontre de TOUS les animaux. Va-t-elle réussir à imposer sa vision de la protection animale au groupe de Natacha Harry ? Elle vous donnera des nouvelles de son combat pour les animaux chaque lundi…
Illustrations Caroline Tassigny
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